Crédit photo : Sylvaine Glaizol / CAUE 34

Maera épure les eaux usées de la Métropole de Montpellier

Le 14 juin 2021, l’équipe du CAUE de l’Hérault était invitée à découvrir la station d’épuration Maera, située à Lattes (34). Une visite guidée par Sébastien RANC, médiateur au CPIE APIEU (Centre permanent d’initiative pour l’environnement).

Sensualité en eaux troubles. Dans la mythologie grecque, Maera est l’une des cinquante sublimes néréides formant le cortège du dieu des océans Poséidon. En 2005, Georges Frêche, président de Montpellier agglomération, choisit ce prénom pour rebaptiser l’ex-station d’épuration Céreirède rénovée et modernisée entre 2002 et 2006 [ Plus d’infos ]. Une bien jolie manière de contraster avec les a priori sur la saleté et les odeurs nauséabondes qu’inspirent habituellement ces lieux.

Dès 2006, date de son inauguration, la station est conçue pour recueillir et traiter les eaux usées domestiques de 470 000 habitants. Aujourd’hui, 19 communes y sont “connectées” (dont Palavas et Assas, hors métropole). Ceci représente une population de 380 000 habitants, un débit de 130 millions de litres d’eaux usées par jour à assainir, soit un volume de 1,5 m3/seconde traité et rejeté ensuite dans le milieu naturel via 20 km de canalisation jusqu’au large de Palavas. 

L’équipe de la station Maera se compose de 15 personnes : électromécaniciens, agents de maintenance, laborantins (pour la traçabilité des boues et la filière eau), automaticien (désodorisation, process H2S), directeur et agents d’exploitation.

 

Via le réseau d’assainissement, les eaux usées cheminent jusqu’à Maera. Les pollutions qu’elles contiennent sont classées en trois types :

  • les pollutions grossières : les plus volumineuses. Ex : le papier toilette, les lingettes… formant des “filasses”. “La bête noire de la station car ça colmate les filtres !” déplore Sébastien ;
  • les pollutions particulaires : matière en suspension organique et minérale ;
  • les pollutions dissoutes : dégradables par des bactéries aérobies.

Au fur et à mesure de leur trajet dans la station, les eaux usées de la métropole vont être débarrassées de toutes leurs pollutions. Elles vont tout d’abord être “pré-traitées”.

Les étapes du pré-traitement

  • le dégrillage grossier dans les “fosses à bâtards” : les mailles des grilles sont de 5 cm. Tout ce qui est plus gros ne passe pas et sera traité par enfouissement ou incinération à Evolia Nîmes.
  • le relevage et le dégrillage : les mailles sont de 6 mm. Idem, les résidus filtrés par les grilles partiront à Evolia.
  • le dessablage et le déshuilage : l’eau est acheminée dans 4 grands bassins où il y a des chariots mobiles équipés de racleurs. Les bactéries anaérobies transforment la matière organique en matière minérale… Au retour du charriot, les sables sont raclés. Ils seront traités par Evolia. Le sable trop contaminé sera brûlé avec les refus de dégrillage.

Le traitement

Une fois débarrassées des polluants les plus grossiers, les eaux vont peu à peu être délestées du reste de leurs particules polluantes (particulaires et dissoutes). 

  • Les traitements à fortes charges

1- La phase biologique : dopées à l’air, des bactéries mucilagineuses se développent et dégradent les matières organiques dissoutes dans l’eau.

2- La phase physico-chimique : dans un clarificateur, on ajoute du chlorure ferrique, un sel qui va faire floculer le mélange. Cette étape va séparer l’eau de ses polluants qui vont alors former une boue, valorisée ultérieurement dans les plateformes de compostage

  • Le traitement des boues

Les épaississeurs : les boues vont y être épaissies… “De la gadoue on obtient une sorte de pâté” précise Sébastien. Elles seront ensuite “digérées” dans des digesteurs. La fermentation va produire du biogaz, dont 75 % de méthane. Celui-ci pourra être revalorisé : pour chauffer les digesteurs ; brûlé pour être transformé en électricité, etc.  Après 21 jours, les boues continueront le traitement. Elles pourront être envoyées dans des plateformes de compostage afin d’être utilisées comme engrais en agriculture par exemple.

  • Ultime étape : la biofiltration

À Maera, les particules nocives sont éliminées à 95 %” assure Sébastien. Un très bon résultat comparé aux autres stations d’épuration, puisqu’en France, le taux de rendement de dépollution est plutôt autour de 85 %… Si Maera est si performante, c’est grâce à la biofiltration.

Elle se déroule sur des biofiltres remplis de billes de polystyrène. À l’issue de la décantation, l’eau va être envoyée sur ces billes qui agissent comme des filtres biologiques : en surface des billes, il y a des bactéries qui se développent et vont dégrader la matière organique.

Au bout de 24 heures, les biostyrs seront nettoyés (à l’aide d’eau surpressée). L’eau biofiltrée va ensuite rejoindre l’émissaire et parcourir 20 km jusqu’à la Méditerranée, dont 11 km sous la mer.

Des bouées jaunes signalent l’endroit du rejet. “Des études réalisées par l’Ifremer en 2017 attestent qu’il n’y a pas plus de polluants à la sortie du rejet que partout ailleurs en mer Méditerranée” confirme Sébastien. Voilà de quoi rassurer les plaisanciers, les pêcheurs et les consommateurs des produits de la mer !

La néréïde mise au parfum. Et au fait ? Ça sent mauvais ou pas une station d’épuration ? Un peu… Mais tout est sous contrôle ! Déjà grâce au process de désodorisation (cf. photo).  Quant au nuage d’hydrogène sulfuré (H2S) qui flotte au dessus de la station… Une vingtaine de capteurs sont répartis au sein et autour de la station. Une modélisation du nuage d’odeur permet de faire des prévisions en fonction de la météo et de neutraliser l’H2S si nécessaire. Idem, tous les jours, la qualité de l’eau en station est analysée avant d’être rejetée, et la siccité (% de matière sèche) de la boue est contrôlée 2 fois par semaine.

La désodorisation : système en 3 tours : la 1re, l’air est lavé à l’acide chlorhydrique (odeur de poisson pourri) ; dans la 2e, elle l’est avec de la soude (odeur d’œuf pourri) ; dans la 3e, avec de l’eau de javel (odeur de chou).

 

Orage ! Ô désespoir ! Le pré-traitement et le traitement des eaux usées vus précédemment correspondent au fonctionnement “classique” de la station. En cas de fortes pluies, c’est une autre affaire…  Une partie du vieux Montpellier possède un réseau unitaire : les eaux usées domestiques et pluviales y sont mélangées. Donc quand il pleut en centre ville, ça impacte le débit arrivant à Maera.

Jusqu’à 1,5 m3/seconde, pas de problème. Les eaux suivront le pré-traitement puis le traitement biologique. S’il pleut jusqu’à 3 m3/seconde, les eaux rejoindront les bassins de stockage de 25 000 m3. “Si la pluie s’arrête, le contenu de ces bassins sera envoyé en tête de station et vidé doucement. Quand les bassins de stockage sont pleins, les 4 décanteurs vont marcher à vive allure. La station est alors à plein régime !

Et si la pluie tombe de plus belle ? Entre 3 et 4 m3/seconde, la station va seulement pouvoir faire le pré-traitement, avant de rejeter ce m3 d’eau dans le Lez. Au delà de 4 m3/seconde, lors d’un épisode Cévenol par exemple, “sa capacité de traitement atteint ses limites lors d’évènements pluvieux exceptionnels…” Les déversoirs d’orage du réseau unitaire vont alors directement rejeter le trop-plein d’effluents dans le lez, sans passer par Maera. Une situation qui ne devrait plus se produire après les futurs travaux de 2023.

Cure de jouvence pour Maera. Le territoire héraultais et l’agglomération montpelliéraine étant des plus attractifs, la Métropole prévoit augmenter d’ici 2023 la capacité de traitement de Maera à 660 000 équivalents habitants. Et si aujourd’hui la station a un bilan blanc (l’énergie achetée par l’usine est égale à celle qui en sort), elle deviendra également une usine à énergie positive. Décidément, cette nymphe de l’épuration n’a pas fini de nous charmer !

=> À lire : La Métropole de Montpellier va investir 145 M€ dans une modernisation “écolo” de Maera, Midi Libre, 17/12/2020


À emprunter à la doc du CAUE 34 

(Sur rendez-vous, du lundi au vendredi de 9 h à 17 h 30, à l’exception du mercredi après-midi. Tél : 04 99 133 700)

Fosse septique, roseaux, bambous ? Traiter écologiquement ses eaux usées, CABRIT-LECLERC Sandrine, Terre vivante, 2008

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